Traduction

Introduction

J'ai toujours été passionnée de randonnée en montagne. Mais avec la traversée des Pyrénées en 2017, je me suis découvert une passion pour la randonnée itinérante, en solo. Le projet de la traversée des Alpes du Lac Léman à la mer est naturellement devenu un objectif, mais à long terme. Mobiliser à nouveau 45 jours n'est plus évident avec le travail, et puis le plaisir sera sans doute plus grand si je sais patienter.

En attendant, pas question d'arrêter toute rando itinérante, j'ai donc choisi pour l'été 2020 d'aller à la découverte du massif de Gavarnie-Mont Perdu-Ordesa, demeurant inconnu malgré la traversée des Pyrénées. Pourtant ce lieu m'a l'air absolument magique et grandiose quand je vois des photos sur internet. Cet immense massif calcaire, ce canyon... C'est décidé, j'y vais. Ce sera également l'occasion de me frotter aux difficultés techniques dans la neige. J'avais échappé à l'utilisation de crampons et de piolets pour ma HRP "personnalisée", mais pour traverser les Alpes, il faudra bien y avoir recours.

Si je veux donc m'exercer dans la neige, mieux vaut partir en début de saison. En posant une semaine de congés, j'ai le temps de marcher 7 jours, en venant de Paris. Le trek sera donc du 5 au 11 juillet. Ce sera également la meilleure période pour profiter de la flore de montagne et bénéficier de journées à rallonge. 

Heureusement, malgré la pandémie de Covid, les frontières ont rouvert à temps pour me permettre de faire ma randonnée et de dormir en refuges ou à l'hôtel.

Comme d'habitude, mon père est volontaire pour marcher un peu avec moi, cela m'assure également un transport aux petits oignons ! Il est donc convenu que nous ferons ensemble le début de la première étape, et la fin de la dernière, avec l'ascension du Pimené qui lui tient à cœur.

Lapiaz et Brèche de Roland

Le Taillon en haut à gauche, la brèche au centre de la crête, et l'immense lapiaz au deuxième plan



Etape 1 : Col des tentes - Refuge de Goriz

"Les yeux plus gros que le ventre"

Mon père et moi partons du col des tentes à 10h30. Je pensais partir 45 min plus tôt mais 5 min perdues par-ci par-là nous ont vraiment retardés au bout du compte. Contrairement à moi, mon père n'est pas équipé de crampons, mais j'espère qu’il parviendra quand même à monter jusqu'à la Brèche de Roland. La vue qui nous attend là-bas est, paraît-il, spectaculaire. J'ai beaucoup de chemin pour cette première étape, mais au moment de partir, je ne m'en rends pas compte. Je suis vraiment moins bien préparée que pour la HRP... J'ai donc en tête de monter au Taillon, à l'ouest de la Brèche, avant de repasser devant cette dernière pour descendre à Goriz. Un "3000" si accessible, ça ne se refuse pas, surtout avec ce temps-là !

Taillon face nord

Face nord du Taillon

Nous marchons à bon rythme, sur un bon sentier, mais je peine un peu car mon sac est très lourd (12kg avec le plein d'eau, moi je pèse 45 petits kilos). Dès les premières centaines de mètres, nous apercevons une marmotte. Puis nous voilà en un rien de temps au Port de Boucharo, qui donne sur l'Espagne, et d'où la vue est déjà très belle. Le vert des prairies alpines côtoie le jaune des genêts en fleurs, le gris de la roche et enfin le blanc des neiges de début d'été. Un couple d'espagnols arrivant de San Nicolas de Bujaruelo accepte de nous prendre en photo, puis continuent dans la même direction que nous, vers le refuge des Sarradets (le refuge de la Brèche). 


Vue depuis le Port de Boucharo

Vue depuis le Port de Boucharo

Le sentier continue gentiment, jusqu'à atteindre le glacier du Taillon. Une pente raide et enneigée, ponctuée de gros blocs de moraine rend l'usage des crampons obligatoire. 11h45, mon père doit déjà faire demi-tour sans avoir pu atteindre la Brèche, quel dommage... Je prends le temps de chausser mes crampons fraîchement achetés, et il est midi quand je m'élance sur le glacier enneigé. Ce sont mes premiers pas cramponnés ; j'avais voulu les tester lors d'une rando avec Ludovic, randonneur expérimenté, mais je les avais oubliés, la faute au réveil très matinal sans doute ! (Récit de cette rando sur son blog ). Du monde circule dans les deux sens. Heureusement, car je rencontre rapidement des difficultés lorsqu'il faut passer par les moraines, en escaladant. Je me débrouille sur la neige avec mes crampons, mais ne suis pas du tout à l'aise une fois sur la roche. Là, je dois me hisser à la verticale, avec tout le poids de mon sac ; je cherche en vain un passage, finalement quelqu'un me hisse en me tendant une main plus que bienvenue. Ensuite, la montée se passe au mieux jusqu'au refuge, avec un super soleil et une superbe vue sur le cirque de Gavarnie. 



Passage sur le glacier du Taillon

Passage du glacier du Taillon

Pic, Tour et Epaule du Marboré

Pic, Tour et Epaule du Marboré

La Brèche est maintenant toute proche, massive, imposante. Son accès est totalement enneigé en ce 5 juillet. Elle est sillonnée par de nombreux chocards. Je m'étonne également, dans cet environnement enneigé, de trouver plusieurs abeilles et autres insectes. Après quelques centaines de mètres dans la neige, c'est le panorama tant attendu. Quelle claque ! Je ne suis pas déçue. Il y a déjà l’horizon nord : le Pimené, puis le massif du Néouvielle, lui aussi enneigé sur ses sommets. Mais c’est la vue vers le sud qui est saisissante : un immense massif calcaire (le plus haut d’Europe !) s’étend devant le canyon d’Ordesa que l’on devine. Je suis friande de paysages minéraux comme celui-ci.

 

Brèche de Roland

La Brèche de Roland

Massif calcaire au sud

Vue au sud de la Brèche : Descargador, canyon d'Ordesa

Je mange un bout devant ce spectacle, puis après une brève hésitation (il est déjà 14h20), m'élance vers le Taillon. Je ne rechausse pas les crampons malgré un passage en haut d'un névé pentu, les pas sont déjà un peu tracés par les autres randonneur.se.s. Vers 15h, peu après le doigt de la fausse Brèche, dont le contournement demande un tout petit peu d'attention, le sentier monte abruptement. Le poids du sac et l'altitude rendent ma progression très difficile jusqu'au sommet, que j’atteins à 15h30. Mais que ça en vaut la peine ! Une fois de plus, le panorama est incroyable. La température est exceptionnelle puisque que je suis en T-shirt à 3144 m. Je passe un moment en compagnie de 4 espagnols très sympathiques (dont les deux du Port de Boucharo) ; nous en profitons pour nous prendre en photo les uns les autres. Une niverolle alpine pointe alors le bout de son bec (mais elle repart avant que j’aie le temps de la photographier).

 

Doigt de la fausse brèche

Doigt de la fausse Brèche que l'on contourne par le nord

Massif de Gavarnie

Vue sur la crète Brèche - Marboré - Perdu

Presque 16h, je vois au loin le refuge de Goriz et me dis qu'il est grand temps de partir d'ici. La traversée Brèche-Taillon ne nécessite pas les équipements de neige, en revanche je dois bien ressortir crampons et piolets pour descendre sous la Brèche. Il est déjà 17h, cela commence à m'inquiéter. Personne n'emprunte le même itinéraire que moi à présent, je me retrouve seule. Il fait très beau, mais tout de même je voudrais arriver assez tôt, pour avoir un bon emplacement de tente, me doucher, etc. La traversée dans la neige molle se passe bien, mais alors que je dois approcher du fameux Pas des isards, je me demande si je ne l'ai pas manqué. Je n'ai rien vu qui ressemble à sa description : un passage exposé, avec des chaînes. Ne sachant pas s'il me reste des névés à traverser, je n'ose pas retirer mes crampons, et marche avec sur la roche, ce qui est très peu commode... Puis, alors que je suivais des cairns, je finis par perdre leur trace et dois improviser. Je ne sors pas la carte car j'aperçois clairement le col du Descargador, mon prochain objectif. Affaiblie par la soif, mes réserves étant à sec, je trouve par bonheur un point d'eau. A cette altitude, je la bois telle quelle, pas de risque ! Me voilà un peu requinquée. Après une petite errance, je finis par retrouver le sentier qui est à présent très bon, une véritable autoroute quasi-horizontale au-dessus du Pla de Milaris. Mes jambes me portent mais je manque d'énergie, de glucose. Mais vu l'heure tardive (19h !), je n'écoute pas mon corps et continue d'avancer sans m'arrêter grignoter. Je surprends un isard qui, après s'être éloigné un peu, me fait comprendre que je l'ai surpris et dérangé par un renâclement. Vers 20h, à mi-chemin entre le col de Milaris et le refuge, je finis par m'arrêter grignoter, car je suis vraiment à bout de forces. Au demeurant, la soirée est agréable, le soleil continue de me chauffer, et le décor est à présent verdoyant. Des marmottes surgissent de toutes parts au fil de mon avancée ; je m'intéresse à peine à elles : je veux juste arriver. C'est chose faite à 20h30. Il faut faire l'impasse sur la douche. Je vais en premier lieu récupérer ma tente, puis manger, et enfin installer le bivouac. Que ce fut long ! Le refuge et ses alentours sont bien peuplés, les tentes fleurissent car le refuge est complet. Il est très prisé en temps normal, mais cette année c’est encore plus compliqué avec les mesures covid-19 qui imposent des places vides dans les dortoirs. C’est donc à la seule condition de refuge complet que le bivouac est autorisé, car nous sommes dans un parc national. J’ai peu le temps de discuter avec les autres randonneur.se.s ce soir, trop affamée, et prise de court par la nuit qui tombe. Ce n’est que partie remise !

 

Taillon et doigt fausse brèche

En se retournant depuis le col du Descargador : le Taillon et le doigt de la fausse Brèche