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Etape 7 : Refuge de Tuquerouye - Gavarnie

Le dernier jour de mon trek est arrivé. Jusqu'ici, 6 étapes m'ont conduite de part et d'autre de la frontière franco-espagnole, tantôt dans le Parc National des Pyrénées, tantôt dans le Parque Nacional Ordesa y Monte Perdido. Partie du col des tentes il y a 6 jours, je vais à nouveau retrouver les alentours de Gavarnie cet après-midi. Je serai accompagnée par mon  père à partir de la Hourquette d'Alans. Nous avons rendez-vous aux alentours de 10h, 10h30. Lui aura passé la nuit au refuge situé juste en-dessous de la Hourquette, aux Espuguettes, après y être monté la veille depuis Gavarnie. Je compte sur lui pour m'apporter l'eau nécessaire au reste de la journée, mais surtout pour grimper avec moi au sommet du Pimené, une ascension qui lui tenait à cœur.

Je me réveille vers 7h, grâce à mes camarades que j'entends tout juste avec mes bouchons d'oreille. Ce n'est donc pas mon téléphone qui m'a réveillée, car même en l'ayant mis à l'abri dans mon duvet, il s'est encore vidé de sa batterie à cause du froid. C'est d'ailleurs un souci récurrent en trek auquel je ne trouve pas vraiment de solution. Je n'ai donc plus de moyen de joindre mon père ce matin. Heureusement que nous avions déjà défini notre point et heure approximative de rendez-vous. Il me reste mon appareil photo pour connaître l'heure. Pour ce qui est de l'orientation, je n'aurai pas besoin du téléphone, la carte devrait suffire sachant que je ne sors pas des sentiers.

Pour mon plus grand plaisir, je découvre ce matin la face nord du Mont Perdu (ou Treserols selon sa nouvelle dénomination, tirée de l'aragonais) sous un magnifique ciel bleu. C'est définitivement un endroit magnifique, minéral et glacé.

Mont Perdu Tuquerouye

La face nord du Mont Perdu, au réveil, enfin ensoleillée

Il est 8h lorsque je me mets en route, je suis la dernière à partir de cet incroyable refuge. Mes camarades sont partis un peu plus tôt en direction de l'ouest. Je dois donc affronter seule la descente de la brèche, qui est très raide et m'effraie un peu. Il faut dire que depuis 6 jours, mes traversées en crampons se sont faites dans de la neige molle, à chaque fois ; hors dans le cas présent, elle est dure. Je m'engage donc très lentement et précautionneusement dans le couloir. Les traces de pas des derniers à être passés sont une aide, mais sont malheureusement peu profondes et durcies. Je préfère tout de même les suivre, ne serait-ce que pour suivre le tracé optimal. Je manque d'expérience avec les crampons et n'ai pas l'impression de les enfoncer très profond à chaque pas. Je marche donc d'un pas mal assuré, m'appuyant sur mon piolet, presque en tremblant dans ce névé trop pentu à mon goût. Soudain, c'est la faute d'inattention : mon pied cramponné s'accroche légèrement à ma guêtre et me fait trébucher. Je sens une grosse montée d'adrénaline mais me rétablit miraculeusement sur mes deux pieds. Je me suis fait une grosse frayeur. Je continue avec plus de prudence si tant est que ce soit possible, jusqu'à arriver à un éboulis non recouvert par la neige.

Descente couloir Tuquerouye

 La très raide descente (névés + éboulis) du couloir sud de Tuquerouye. Un air de Machu Picchu ?

Dans des conditions de neige molle, comme au Mont Perdu l'autre jour, j'aurais continué dans la neige, qui est dans ce cas plus sûre qu'un couloir de pierre plus ou moins stable. Mais cette fois-ci je n'hésite pas une seconde et enlève mes crampons pour passer dans la caillasse, un terrain dans lequel je suis bien plus à mon aise !

Me pensant seule, je finis par observer un isard plus bas dans le couloir, puis je vois un autre randonneur monter en direction de la brèche. Je suis ses empreintes pour passer dans la deuxième partie enneigée du couloir, sans renfiler mes crampons. C'est toujours un peu de temps de gagné. Me voilà à présent tout en haut du cirque d'Estaubé. J'ai mis environ une heure à descendre de la brèche. Je dois à présent me diriger vers le nord-ouest, descendre puis remonter vers la Hourquette. J'hésite à prendre une tangente hors sentier qui ne perd visiblement pas d'altitude, mais je me ravise en me disant que trop pratiquer le hors sentier dégrade tout de même la montagne, que s'il y a un sentier tout proche, il est plus raisonnable et respectueux de l'emprunter.

Descente Couloir Tuquerouye

Ce même couloir d'accès à la brèche de Tuquerouye, vu d'en bas

A présent, malgré un terrain bien caillouteux, mon avancée est bien plus facile. Puis la marche devient complètement confortable une fois sur le bon sentier qui mène à la Hourquette. J'atteins cette dernière à 10h30, mon père m'y attendant déjà depuis un petit moment. La vue est assez spectaculaire, offrant à la vue des paysages contrastés : des pelouses alpines verdoyantes entourant le refuge des Espuguettes, fruit d'un intense pâturage, une mer de nuages remontant dans toutes les vallées alentour, et d'importants sommets au loin comme le Vignemale. Les retrouvailles sont l'occasion de raconter mes dernières péripéties et de reprendre des en-cas sucrés pour monter au Pimené.

Derniers efforts avant de rejoindre mon père

Derniers efforts jusqu'à la Hourquette d'Alans (2 430m)

Vers le Vignemale

Vers l'ouest depuis la Hourquette d'Alans : on aperçoit le Vignemale (3 298m)

Ce dernier culmine à 2801m. Il nous faudra donc grimper de presque 600m encore une fois descendus à l'embranchement des sentiers.

Nous nous remettons en route dans un flot important de randonneurs. Après une brève descente en direction du refuge des Espuguettes, il faut remonter dans les lacets qui mènent au col du Pimené.

Au fur et à mesure de la montée, nous jetons des coups d'œil légèrement inquiets vers la mer de nuages qui monte, doucement. Non pas qu'il puisse y avoir des précipitations à la clé, mais l'idée de ne plus pouvoir profiter de la vue sur le cirque et les massifs environnants est assez déplaisante.

le cirque dans toute sa splendeur

Le cirque de Gavarnie dans toute sa splendeur

Nous poursuivons jusqu'au col, puis sous l'arête qui mène au petit Pimené, 2647m. A partir de là, le sentier en décourage certains : une étroite arête, faite de gros blocs de pierre, sépare les deux sommets. Il est nécessaire d'user régulièrement de ses mains pour se hisser de marche en marche. Rien d'infaisable, mais la randonnée prend tout de suite une autre envergure. Un jeune homme affrontant son vertige fait signe à ses amis de poursuivre sans lui, après avoir vaillamment lutté. De notre côté, nous prenons notre temps mais je me sens à l'aise sur ce genre de terrain. 

A 13h, nous voilà enfin au sommet. La mer de nuages n'a pas encore recouvert les sommets alentour, et nous profitons donc d'un nouveau point de vue sur le cirque de Gavarnie. Au nord-est, nous apercevons le massif du Néouvielle et son Pic long. Après avoir contemplé ces sommets prestigieux, mes yeux se tournent vers l'est, sous le sommet où se trouve un petit étang.

J'assiste alors à un drôle de spectacle : un isard est là, en bas dans l'étang, et tourne en rond au milieu de celui-ci. Je suis surprise : sans être une spécialiste, j'imagine tout de même les isards comme des animaux grégaires, je m'étonne de voir un individu isolé de la sorte. Il est quand même probable que le reste du troupeau ait échappé à nos yeux mais nous avons pourtant bien guetté ! Quoi qu'il en soit, le caprin des montagnes semble passer un agréable moment.

Isard dans l'étang au pied du Pimené

Un isard semble profiter des joies de la baignade

Vue vers la Soum des Tours et le Pic long

Au nord-est : le massif du Néouvielle


Cirque de Gavarnie

Des nuages se forment dans la vallée et menacent de cacher le cirque

Après une pause déjeuner bien méritée, nous voilà repartis, direction le village de Gavarnie. Entre temps, les nuages se formant depuis la vallée ont gagné du terrain et semblent sur le point de se joindre aux cumulus qui se sont formés en altitude.

Cela fait plus de 6 jours que je marche, mais il va falloir tenir le coup jusqu'à la fin : ce sont 1400m qu'il faut descendre jusqu'au parking. Les genoux vont être mis à rude épreuve et les bâtons seront d'un grand secours. 

Les heures passent et alors que je me commence à être lassée de cette étape qui devient éreintante, et dont la meilleure partie est dernière moi à présent, je me remémore les journées précédentes :

Je réalise l'étendue, la beauté et la variété des paysages que j'ai admirés : les sentiers que j'ai parcourus, du canyon d'Ordesa à celui d'Anisclo, en passant par le Taillon, le mont Perdu et la brèche de Tuquerouye ; les hauteurs du cirque de Gavarnie et la brèche de Roland, le lapiaz de l'Esmoladera, la vire des fleurs, Fuen blanca et le plateau du Marboré... Tout était magnifique.

Et au-delà des paysages, ces deux zones de parcs naturels sont d'un grand intérêt faunistique et floristique. J'ai eu la chance d'observer des gypaètes barbus, des isards et des marmottes avec beaucoup de proximité, de nombreuses fleurs dont la mythique edelweiss... 

Je crois que je peux dire que, de mon point de vue très personnel, c'est le plus bel endroit des Pyrénées, que j'ai pourtant traversées intégralement d'est en ouest (sans toutefois passer par cette zone).

...Et si c'est le plus bel endroit des Pyrénées, c'est forcément le plus bel endroit sur Terre, pas vrai ?

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